Le Conseil d'Administration
d'Alstom a depuis l'annonce du projet de cession de la majorité de ses
activités à la société General Electric pris la précaution d'indiquer que cette
cession serait soumise à l'approbation des actionnaires.
Il est vrai que l'exemple de la
société Vivendi qui a cédé 70% des activités de son périmètre sans demander
l'avis de ses actionnaires avait amené le Medef (organisation patronale) à
recommander de soumettre au vote des actionnaires des projets de cession qui
seraient significatifs pour l'entreprise. Il est d'ailleurs étonnant, pour ne
pas dire plus, que le Conseil d'Administration de Vivendi ne soit pas préoccupé
de l'avis des actionnaires, comme s'ils ne pouvaient comprendre l'intérêt d'une
telle opération, et qu'il n'ait pas proposé une scission comme l'avait proposé
Total pour Arkema, ou Accor pour Edenred pour ne citer qu'eux.
De nombreux actionnaires d'Alstom
s'interrogent aujourd'hui sur la réelle rationalité de l'opération avec General
Electric. Depuis des années, l'idée de développer plusieurs métiers
complémentaires avec des cycles et des niveaux de risque différents les avait
amenés à soutenir la stratégie avec l'idée de développer un acteur de premier
plan dans ses différents métiers. La tonalité du discours a totalement changé
et ils apprennent que même si Alstom a un réel savoir faire dans les très
grandes turbines, ils ne peuvent concurrencer les plus grands mondiaux ni même
faire des partenariats avec eux. La seule solution résiderait dans la cession
de la majeure partie de l'activité, Alstom ne gardant qu'un très petit
périmètre, de plus dans des secteurs cycliques et avec une concurrence
grandissante dans les transports notamment les TGV...
Certains actionnaires
s'interrogent sur les réelles raisons de cette opération de
« rapprochement », si elle ne serait pas liée aux risques que la
société pourrait supporter pour avoir travaillé dans des pays sous embargo
américain (le syndrôme BNP PARIBAS…) ou à d'autres risques non communiqués
aujourd'hui aux actionnaires.
L'interventionnisme de l'Etat français
qui a emprunté des titres à Bouygues avec une option d'achat de titres, pour
s'assurer de la stabilité des métiers qui restent dans Alstom est une autre
interrogation car cette intervention ne « protège » qu'une faible
partie de l'activité d'Alstom… et que le principal actionnaire d'Alstom n'avait
pas caché son désir de céder sa participation.
Il ne semble pas que la société
ait de scénario alternatif alors même que si 34% des actionnaires refusent
l'opération, elle ne se fera pas... et l'idée de permettre le remboursement de
la dette alors même que les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas n'est pas
de nature à voter pour une opération dont la rationalité économique ne paraît
pas immédiate, sauf pour... General Electric !
Même si le Conseil
d'Administration est convaincu du scénario General Electric, il est quand même
de sa responsabilité de proposer aux actionnaires un scénario alternatif qui
permettrait à la société de se développer avec des partenariats probablement
différents, pour proposer au moins deux options aux actionnaires afin qu'ils se
prononcent en toute transparence et que leur choix se fasse dans l'intérêt de
toutes les parties prenantes et plus particulièrement des salariés.
Et paradoxalement il y a comme
une « chape de plomb », tous les commentaires validant le schéma
proposé sans aucune interrogation ou question, à croire qu'il n'y a pas d'autre
solution, comme ce fut le cas il y a quelques années où une cession avait
failli se faire pour « 1 franc » (Thomson)...
Il ne reste que peu de temps aux
actionnaires pour se faire une opinion, et ce serait très inquiétant s’il n'y
avait qu'une seule voie possible et peu ou pas d'échange entre actionnaires
sur cette opération qui est malgré tout très importante dans le contexte français
actuel.
Olivier de Guerre
Président de PhiTrust Active Investors