Ces
trois sociétés françaises ont créé la « surprise » cette année en
développant trois stratégies très différentes mais qui aboutissent toutes à la
même conclusion : la cession de toute ou partie de leurs activités…
Le
Conseil d’Administration de Vivendi (composé d’une majorité d’administrateurs
français) a décidé de céder plus de 70% de l’activité sans interroger les
actionnaires avec comme objectif « le recentrage », alors qu’une
scission aurait eu le mérite de permettre aux actionnaires de décider s’ils souhaitaient
apporter leurs titres à la holding de Numéricâble. Il est probable que des
questions fiscales ou « d’incentive » ont prévalu alors même que de
nombreux actionnaires étaient restés actionnaires depuis de nombreuses années à
cause de la structure « holding diversifié » de Vivendi.
Le
Conseil d’Administration d’Alstom (composé d’une majorité d’administrateurs
étrangers) a quant à lui décidé de céder 70% de l’activité à General Electric
après l’accord des actionnaires, la société étant de fait après opération un
« petit » acteur dans un secteur très concurrentiel et avec des
« joint-venture » avec General Electric où ce dernier aura par
construction de par sa taille le poids le plus important… Et les actionnaires
qui croyaient aussi à l’intérêt de la diversification dans des métiers
cycliques découvrent que ce modèle n’est plus pérenne…
Le
Conseil d’Administration de Lafarge (composé d’une majorité d’administrateurs
étrangers) a quant à lui accepté de présenter à l’Assemblée Générale des
actionnaires l’offre d’Holcim, fusion « entre égaux » qui revient de
fait à une absorption de Lafarge par Holcim, le nouveau siège social étant en Suisse
et la majorité des administrateurs du nouveau groupe non français. Les
actionnaires qui ont soutenu le développement de Lafarge y compris dans ses
moments les plus difficiles décideront de cette opération, la nécessité d’une
fusion dans ce secteur apparaissant plus comme une démarche de
« marketing » qu’une nécessité compte tenu des caractéristiques de ce
secteur…
Trois
démarches en fait très similaires car dans ces trois opérations, la seule
variable qui a présidé à ces décisions est financière et ce quoi qu’en disent
les équipes de direction. Il est frappant que la question du sens ou de la
« mission » de l’entreprise elle-même disparait pour être remplacée
par l’intérêt à court terme de certains actionnaires, la nécessité de diminuer
le risque pour … ces mêmes actionnaires. Le projet d’entreprise devient
secondaire pour un choix financier qui ne s’impose que parce qu’il n’y a plus
d’investisseur de référence et/ou d’investisseurs soutenant le développement
d’un projet d’entreprise française sur le long terme. A l’heure où nous prenons
conscience des conséquences d’une désindustrialisation accélérée, l’absence
d’investisseurs privés ou institutionnels qui auraient pu jouer un rôle de
contrepouvoir actionnarial (il est possible de contrôler une société cotée avec
moins de 5% du capital…) crée un vide sidéral dans notre espace économique.
Ne nous
étonnons pas si dans quelques années nous nous réveillons « groggy »
car nos plus beaux fleurons seront devenus la propriété de sociétés
étrangères ! Certains argueront qu’un actionnaire minoritaire « ne
peut rien faire » et que son seul intérêt est financier. Mais n’est-ce pas
une vision de courte vue et qui ne prend pas en compte le fait que les
actionnaires minoritaires de ces sociétés sont restés depuis des années contre
vents et marées car ils croyaient dans un projet porté par des hommes et des
femmes de qualité ?
Etre
actionnaire n’est pas uniquement un dû (dividendes, plus-values) mais c’est
aussi un devoir de copropriété qui s’assure qu’une stratégie de long terme est
mise en place pour permettre à toutes les parties de se développer en passant
des alliances qui lui permettent de définir sa propre stratégie en toute
indépendance. Il est de notre responsabilité de le rappeler à ceux que nous
élisons comme administrateurs car ils ont une obligation d’agir en prenant en
compte l’intérêt de la société et des toutes ses parties, y compris pour lui
permettre de se développer.
En tant
qu’actionnaire minoritaire nous pouvons nous regrouper pour agir en ce sens et
il est urgent de le faire si nous ne voulons pas regretter dans quelques années
le « paradis perdu » de nos plus belles entreprises.
Olivier de Guerre
Président de PhiTrust Active Investors