Les décrets liés au nouveau label ISR promu par les pouvoirs
publics en France ont été publiés fin décembre, mais force est de constater que
sa mise en œuvre sera difficile compte tenu des questions que soulève sa mise
en place.
Ce label a été voulu par certains grands gestionnaires
d'actifs qui souhaitent labelliser ISR l'ensemble de leur gamme après un
épisode fâcheux avec une équipe de France Télévisions qui s'était étonnée que
certains fonds de la place labellisés ISR détenaient dans leur portefeuille des
sociétés qui manifestement n'auraient pas dû y être.
Au lieu de proposer un label plus strict, les pouvoirs
publics ont suivi en partie la volonté de ces grands acteurs en approuvant des
méthodologies d'analyse moins strictes que certains labels existants et pouvant
donner lieu à différentes interprétations... Il est vrai que depuis de
nombreuses années la plupart des gestionnaires ISR ont privilégié une approche "best
in class" qui qualifie pour ce type de gestion des entreprises qui sont
"les meilleures de la catégorie" ce qui fait que la plupart des
entreprises du CAC 40 par exemple en font partie... Difficile dans ces
conditions de prôner un label avec des conditions plus strictes ce qui
écarterait de facto certaines grandes entreprises qui ont régulièrement des
prix pour certaines de leurs actions alors que par ailleurs elles ont encore
beaucoup à faire pour être reconnues par des labels avec des conditions plus strictes.
La place de Paris propose ainsi une démarche pour que le
grand public comprenne plus facilement l'investissement socialement
responsable, tout en acceptant que les conditions requises soient atteignables
par le plus grand nombre de ces entreprises, ce qui permet bien évidemment aux
gestionnaires d'actifs de continuer a gérer sans modifier leurs pratiques et
ce, bien sûr, pour une plus grande diversité de portefeuille...
Cela ressemble fortement aux récentes décisions européennes
de réduire les obligations pour les émetteurs de NOX ou de CO2 pour que tous
les constructeurs automobiles européens soient en conformité avec la
législation...
Et cela ne tient pas compte de l'évolution actuelle de tous
les gestionnaires d'actifs qui ne peuvent plus investir sans prendre en compte
les contraintes environnementales ou sociales sans risque majeur de voir leurs
investisseurs ne pas comprendre pourquoi telle ou telle société est encore dans
leur portefeuille. L'ensemble des gestionnaires (y compris dans l’investissement
non coté) ne peut plus aujourd'hui investir sans tenir compte de ces critères
ESG.
Pourquoi alors promouvoir un label ISR qui n'apporte rien de
plus et dans lequel la plupart des gestionnaires d'actifs pourront être validés
? Visiblement la place de Paris a encore plusieurs années de retard et s'adapte
avec difficulté à un marché qui a déjà évolué, beaucoup de gestionnaires
français (plus petits) ou étrangers ayant développé des produits thématiques
avec une volonté de montrer la rationalité de la stratégie mise en œuvre pour
atteindre des objectifs ESG bien identifiés.
La place de Paris aurait pu être très en avance en proposant
un label strict et thématique qui permettait aux investisseurs de mieux s'y
reconnaître. Malheureusement elle a choisi une voie moins contraignante au
risque de voir ce label peu utilisé ou disparaître faute de combattants.
Dommage qu'il ait fallu plus de trois ans pour en arriver là !
Olivier de Guerre
PhiTrust