La
question de la gouvernance des banques en zone Euro redevient un sujet concret
alors même que la Grande Bretagne met en place une certaine séparation des
métiers bancaires et que l'Europe instaure depuis le 1 Janvier 2016 un montant
maximum de garantie pour les déposants sur les comptes à vue de 100 K € en cas
de faillite d'un établissement bancaire.
La
question se pose avec d'autant plus d'acuité que certaines banques italiennes
n'ont pas hésité à se mettre en faillite en décembre 2015 pour protéger leurs
déposants d'un risque où ils ne pourraient récupérer leurs dépôts à vue...
événement d'ailleurs passé quasiment inaperçu en cette fin d'année mouvementée.
Cette
question est d'autant plus sensible que toutes les banques européennes ne ségrégent
pas (séparent) les actifs qu'elles détiennent pour le compte de leurs clients
des actifs de la banque. La France est un des rares pays dans lequel les
actifs détenus par les clients des banques (OPCVM, titres vifs...) sont la
propriété des clients et non dans celle des banques où ces actifs sont déposés.
Lors de la crise de 2008 par exemple, des OPCVM déposés chez Lehman Brothers
Londres ont disparu avec la faillite de la banque, alors qu'un tel scénario
n'aurait pas été possible en France.
Cette
question est d'autant plus importante que les clients des banques connaissent
rarement les bilans des banques dans lesquelles ils déposent leurs avoirs, et
encore moins les hors bilans... qu'ils font confiance aux autorités bancaires
et aux régulateurs qui ont un rôle de supervision sur ces mêmes banques. Le
paradoxe tient au fait que si une banque fait faillite ces mêmes autorités de
tutelle n'auront alors pas identifié préalablement les problèmes et que l'on
demande dorénavant aux clients de savoir identifier si une banque est « en
risque » ou pas...
Il
n'y a eu que de très faibles réactions à cette évolution fondamentale du
rapport entre les clients et les banquiers. Alors même que cette nouvelle
relation est très étonnante sur un plan juridique. Connaissez-vous d'autres
secteurs « grand public » où il est défini que si une entreprise fait
faillite, ses clients sont de fait co-responsables de la faillite et devront
participer au renflouement de la dite entreprise ? Alors même qu'un de nos
constructeurs automobiles était proche de la faillite, il n'a jamais été
question que les clients ayant acheté une automobile doivent la revendre pour
renflouer le dit constructeur... Dans
les compagnies d'assurance où est détenu un contrat d'assurance vie investi
dans l'actif général, il serait possible de tout perdre si la compagnie
d'assurance est en faillite.
Compte
tenu de ce changement de réglementation, il semble que la séparation des
métiers au sein des banques universelles doive s'imposer. Car autant il est
possible de demander à un client d'une banque de détail de comprendre les
risques liés à ce métier de banque en détail, autant il paraît difficile à ce
client de comprendre les risques associés à une banque de trading, à une banque
d'affaires, voire à des financements de moyen ou long terme ou de
l'immobilier...
Il sera
probablement rétorqué que même les banques de détail sont aussi en risque de
crédit avec les clients auxquels elles prêtent, et que la séparation des
banques aura un effet négatif de renchérissement du coût du crédit, ces banques
de détail ne pouvant profiter de la rentabilité très supérieure et de la
diversité des autres métiers qui
augmentent de facto leur rentabilité propre. Mais sommes nous capables de
quantifier aujourd'hui le risque de hors bilan de nos banques
multi-métiers ? Pourraient-elles avoir de tels engagements hors bilan et
donc de telles marges sur leurs opérations si elles ne disposaient pas du bilan
des banques de détail ?
Nous
formons le vœu qu'en 2016 le système bancaire prendra conscience de
l'obligation née de ce changement de paradigme de séparer les métiers pour ne pas
mettre en risque les clients qui leur font confiance, et que ces évolutions
seront source d'opportunité et de changement pour tous les acteurs du marché.
Tous
nos meilleurs vœux pour cette année 2016.
Olivier de Guerre
PhiTrust