La loi Florange votée cette année a introduit une
nouvelle règle de gouvernance inédite car elle a mis en place pour toutes les
entreprises cotées françaises un droit de vote double pour tout investisseur
qui détient des actions au nominatif depuis plus de deux ans.
Cette décision remet en cause le principe « une
action, une voix » que la plupart des investisseurs institutionnels français
(FRR, ERAPF…) et étrangers (NBIM Norvège, PGGM Pays-Bas, Railpen UK, Calpers
USA...) pour ne citer qu'eux, ont adopté dans leur critères d'investissement. Ces
investisseurs, qui sont les vrais actionnaires de long terme, demandent à leurs
gérants d'actifs de respecter ces critères dans leurs investissements, ce qui
va inévitablement amener certains à privilégier des investissements dans des
entreprises qui respectent le principe « une action, une voix ».
Cette décision est unique car pour des raisons techniques
les actionnaires minoritaires étrangers et les OPCVM français sont pour la
plupart au porteur et ne sont pas au nominatif, et il sera très difficile de
les amener à s'inscrire au nominatif car ils veulent se garder « de la
souplesse » dans la gestion de leurs actifs.
Pourtant, le gouvernement et les entreprises qui ont
poussé à cette mesure avaient connaissance de ces points techniques, beaucoup
d'investisseurs ou des chefs d'entreprises le leur ayant rappelé; pour des raisons
d'affichage politique cela ne les a pas empêché de pousser cette mesure... et
ce alors même que la mise en place de dispositifs simples tels les "loyalty
shares" pour les actionnaires au porteur aurait été possible.
Cette décision va renforcer inévitablement les
actionnaires qui prennent le contrôle de nos entreprises avec des participations
dérisoires (voir Carrefour ou Vivendi) et qui vont de fait bénéficier de cette
mesure. L'affaire Technicolor risque de prendre une autre tournure quand
l'actionnaire principal, un fonds d'investissement, bénéficiera automatiquement
de droits de vote double en 2016 si rien n'est fait par les autres actionnaires
pour réagir!
Il y a heureusement une fenêtre pour que les entreprises
qui n'avaient pas jusqu'à ce jour de droits de vote double modifient leurs
statuts en AG en 2015 pour supprimer les droits de vote double; sinon, les
statuts de ces entreprises n'ayant pas été modifiés en 2015, tous les
actionnaires au nominatif en bénéficieront automatiquement en 2016, ce qui nécessitera
leur accord pour les supprimer ultérieurement.
Il est donc urgent que les actionnaires se mobilisent
pour demander aux entreprises de modifier leurs statuts et supprimer les
clauses de droit de vote double aux prochaines assemblées générales en 2015.
PhiTrust Active Investors vient d'écrire aux Présidents
des sociétés du CAC40 en ce sens, mais ce sont toutes les entreprises cotées
qui sont concernées. Si nous ne sommes pas capables de réagir rapidement,
comment les entreprises pourront elles croire que les investisseurs sont
attachés aux principes auxquels ils ont adhéré ?
Et si ces droits de vote double se généralisent, ne nous
étonnons pas si de nombreux investisseurs retirent de leur univers
d'investissement les entreprises cotées à Paris. Nous l'aurons cherché !
Olivier de Guerre
Président de PhiTrust Active Investors