La
nomination de Sébastien BAZIN comme PDG du groupe ACCOR est le dernier
rebondissement d’une dérive stratégique
et financière qui s’est reflétée dans les problèmes de gouvernance de la
société. Rappelez-vous l’entrée dans
ACCOR de Colony Capital (piloté par Sébastien Bazin) sous formes d’obligations
convertibles avec un siège au Comité stratégique qui lui donnait les mêmes
droits qu’un actionnaire de contrôle sans être actionnaire. Le fonds Colony Capital,
spécialiste de l’immobilier aux Etats Unis, entendait dissocier les murs de
l’exploitation pour « créer de la valeur » (stratégie réitérée
quelques années plus tard chez CARREFOUR avec le succès que l’on connait…).
Comme
le capital de la société ACCOR était très dispersé, Eurazeo a rejoint
rapidement Colony Capital et ensemble ils ont pris 20% du capital et le
contrôle du Conseil d’Administration sans avoir à déclencher d’OPA. Plusieurs
changements de gouvernance (dont notamment la démission de six administrateurs…)
de PDG à Président ou de société à
Conseil de Surveillance à société à Conseil d’administration; plusieurs changements
stratégiques annoncés (arrêtés puis enfin actés avec la mise en bourse d’Edenred
, qui se porte très bien avec une stratégie claire et une gouvernance claire…)
ont ponctué depuis plusieurs années la vie de cette très belle société née de
la vision entrepreneuriale de MM. Dubrule
et Pélisson. Qu'en reste-t- il aujourd’hui, si ce n’est une entreprise percluse
de douleurs liées à des changements brutaux de stratégie sans concertation avec
les équipes, ce qui ne peut que démotiver l’ensemble du personnel… ?
En
tant qu’actionnaires minoritaires, nous avons assisté au spectacle sans pouvoir
intervenir, mais le voulions-nous si tant est que nous le puissions ? Nous touchons ici la limite de la société avec
un capital dilué, « sans actionnaires de référence » ou avec des
actionnaires qui ne veulent pas être actif face à d’autres qui veulent prendre
le pouvoir sans en payer le prix ; ces derniers ne le font d’ailleurs que pour obtenir une plus-value
financière. Quasiment tous les analystes s’accordaient sur un point : la
stratégie de Colony Capital de dissocier
murs et fonds n’était pas la bonne pour Accor… la création d’Edenred était une idée à court terme mais mettrait à
mal Accor sur le plus long terme car ces deux métiers se complétaient aussi bien
sur le plan des fonds propres que sur celui du besoin en fonds de roulement… et
les brusques changements successifs des dirigeants ne pouvaient que nuire à la stratégie à moyen terme de la société et à
l’adhésion des équipes …
Chez
Carrefour, le Conseil a finalement trouvé son joker, Georges Plassat, grand
spécialiste de la distribution et probablement l’un des rares à pouvoir
redonner une vraie vision à ce métier de distributeur (s’il n’est pas trop
tard). Celui d’Accor n’a pas pu ou su
trouver son joker à l’extérieur et il confie à celui qui est à l’origine des
ces multiples impérities, le destin de la société… Quelle responsabilité pour
les actionnaires passifs et administrateurs d’Accor qui ont laissé perduré
depuis 2005 une situation où la gouvernance ne répondait qu’à l’intérêt de
certains actionnaires ou de leurs mandants ! Quel dommage de voir une si belle entreprise
se « casser la figure » par virages stratégiques successifs et manque
de vision stratégique à long terme !
Cet
exemple montre une fois de plus qu’une entreprise ne peut se développer sur une
vision purement financière et qu’elle a
besoin d’une stratégie et gouvernance claire sur la durée pour réussir.
Olivier de Guerre
Président de PhiTrust Active Investors