Depuis plusieurs années
l’internationalisation de nombreuses entreprises françaises les ont amenées à
développer avec succès des stratégies qui leur ont permis d’être parmi les plus
performantes de leur catégorie. Plusieurs d’entre elles se retrouvent aujourd’hui
dans une situation paradoxale : même si elles sont encore considérées
comme françaises, elles sont présentes sur tous les continents et dans de très
nombreux pays, aucun d’entre eux ne représentant plus de 10/15 % de leur
chiffre d’affaires. Parallèlement leurs actionnaires français représentent au
maximum 20 à 25% de leur actionnariat, chiffre en constante diminution,
conséquence des politiques menées par les différents gouvernements depuis de
nombreuses années.
Pou répondre à la demande
de leurs salariés et de leurs clients, les équipes de direction sont de plus en
plus internationales, certaines entreprises se réclamant de la culture de
chaque pays où elles sont implantées : chinoise en Chine, indienne en
Inde, américaine aux USA… et les
technologies numériques permettent aujourd’hui de gérer un groupe
international, sans être présent, par
téléconférence ( Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider-Electric basé à Hong
Kong se qualifie lui-même de
« nomade »).
Certaines de ces
entreprises sans ancrage régional ou national n’ont plus aujourd’hui
d’actionnaire important, issu d’un pays ou d’une région. Leurs Conseils
d’Administration se tiendront naturellement dans les différents pays ou
l’entreprise est implantée (pour mieux connaitre ses enjeux/risques et être
proche des clients) et dans un proche avenir les Assemblées Générales se
tiendront sur Internet pour que tous les
actionnaires puissent y participer.
L’entreprise devient
alors naturellement supranationale, affranchie des nations et cherchant
naturellement à exister dans un univers qui lui soit le plus favorable que ce
soit au plan fiscal (ce qui est le cas) ou au plan de gouvernance (ce qui sera
le cas demain). Le risque est grand d’une dérive au profit d’un actionnaire
minoritaire, de ses dirigeants ou des ses fournisseurs ou clients… Il n’y aura
alors que le Conseil d’administration pour agir en tant que contrepouvoir… mais
le pourra-t- il ?
D’ailleurs ce mouvement a
déjà démarré; pour les investisseurs voire le
législateur, peu importe que la cotation d’une entreprise soit
aujourd’hui séparée de son statut ou siège social. Qui se soucie que les droits
des actionnaires d’ARCELOR MITTAL au
Luxembourg soient infiniment moindres que les droits des entreprises françaises
cotées à Paris ?
L’Allemagne et la Suisse
l’ont bien compris; la première, en imposant un poids important des
représentants des salariés dans les conseils d’administration, la seconde, en
imposant aux sociétés pour être cotées en Suisse que la moitié des conseils se
tiennent en Suisse … Il est urgent que la France et l’Europe fixent des règles
simples pour que les entreprises cotées en Europe tiennent leurs Conseils
d’Administration en Europe et respectent les règles de meilleure gouvernance
pour éviter des dérives qui ,sinon, ne manqueront pas d’arriver.
Olivier de Guerre
Président de PhiTrust Active Investors
olivier.deguerre@phitrust.com