La question de la séparation des pouvoirs
dans les sociétés non contrôlées, est de nouveau à l’ordre du jour à l’heure où
la société Schneider Electric se propose de réunir les fonctions de PDG, ce
dernier vivant à Hong Kong. Si les
actionnaires votent pour la réunification des pouvoirs, se pose inévitablement
une question qui va devenir de plus en plus fréquente pour les entreprises
multinationales : quelle gouvernance pour les entreprises
multinationales ?
Dans le cas de Schneider Electric, si le
PDG est à Hong Kong, il est probable que de plus en plus de conseils se
tiendront hors de France (mouvement naturel vu l’internationalisation des
membres du Conseil et de l’activité).
Comme il y a peu d’actionnaires français (<16%) et que la très grande majorité des salariés est hors de
France, la société n’aura plus d’ancrage en France et deviendra réellement
« multinationale » ( la Firme de Georges Orwell…). Et nous ne sommes
pas loin des Assemblées Générales sur
Internet pour que tous les actionnaires puissent y participer… ce qui
favorisera l’émergence d’une entreprise « virtuelle ».
Ce mouvement « dans le sens de
l’histoire » » pose de nombreuses questions (souvenons nous de
Pechiney, Arcelor…) pour le devenir d’une industrie en Europe et notamment sur
le risque qu’encourent ces sociétés qui seront virtuelles, sans ancrage
actionnarial ou national, d’avoir une
OPA hostile, et bien peu d’investisseurs seront là pour les soutenir car la société « sera à la
fois mondiale et virtuelle »…
Ce mouvement de délocalisation de
dirigeants de grandes sociétés françaises est
aujourd’hui en accélération (plusieurs sociétés le décideront en 2013…).
Cela pose des questions de gouvernance pour tout actionnaire de sociétés
françaises. Il ne s’agit pas de bloquer un processus mais de s’interroger sur nos critères de gouvernance. Nos voisins
Belges l’ont vécu il y a 10 ans avec la Générale de
Banque, Fina, Dexia… et considèrent ce
mouvement comme irréversible, alors que
d’autres pays ont su mettre en place un
cadre en en limitant les effets :
-
En Allemagne, la séparation des pouvoirs
dans les grands groupes et les règles de vote au Conseil de Surveillance avec
un poids très important des représentants des salariés limitent de facto le
risque de voir les organes de décision
hors d’Allemagne,
-
En Suisse, la moitié des Conseils doit se
tenir en Suisse, obligeant de ce fait à la localisation des organes de
décision,
-
Aux UK ou en Hollande par exemple, les
fonds de pension jouent un grand poids dans le soutien aux entreprises
nationales, alors même qu’en France le poids des salariés actionnaires est
faible dans de nombreux groupes internationaux français (absence de législation
sur les fonds de pension) rendant difficile de ce fait une gouvernance
équilibrée.
Le risque est une fois encore de voir le
politique s’emparer de la question et proposer des solutions
« nationalistes » qui ne feront qu’accélérer le processus de délocalisation dans le cadre notamment de
la législation sur les sociétés européennes (transfert du siège social
facilité en Europe pour toute société ayant pris le statut de société
européenne). Mais alors que peuvent faire les actionnaires ?
La séparation des pouvoirs est aujourd’hui une réponse à cet enjeu de
pouvoir de décision et il est très important que les actionnaires de Schneider
Electric se prononcent contre la proposition de modification de statuts visant
à réunifier les pouvoirs de PDG.
Olivier de Guerre, président de PhiTrust Active Investors