La crise financière profonde que nous vivons aujourd’hui met en exergue les
tensions existantes au sein de nos entreprises et les contraintes vécues par
l'ensemble des parties prenantes. Parmi les nombreuses responsabilités
identifiées par les commentateurs pour critiquer « la dérive
financière » de nos entreprises cotées, dérive qui induit des
comportements critiqués aujourd’hui (délocalisations, licenciements
financiers…), il est pourtant étonnant que celle des actionnaires minoritaires
ne soit pas plus mise en avant : comment justifier que ces mêmes actionnaires
aient voté chaque année pour élire des membres de Conseils d’Administration et
les renouveler régulièrement et ce alors même qu’ils critiquaient voire
récusaient par ailleurs les stratégies mises en œuvre ?
Car en tant qu'investisseur nous avons le plus souvent privilégié dans nos
stratégies le retour financier: quelle est la première question que nous allons
poser à notre gestionnaire d'actif en ce début d'année quand nous allons faire
le point sur sa gestion, si nous lui avons confié des actifs ? Allons nous lui
demander s’il a investi dans des sociétés qui ont créé de l'emploi, ont lancé
un produit innovant pour la santé, ont développé une offre de service répondant
à un besoin… ? Non, la plupart d'entre nous allons demander: quelle est la
performance financière ? la performance environnementale ou sociale ne
passant le plus souvent qu'au second plan, quand cette question est posée (très
rarement d'après les gérants eux-mêmes !).
Face à certaines dérives, pouvions-nous dire que nous ne savions pas ?
alors qu’en tant qu'actionnaire nous sommes Copropriétaires de l’entreprise avec un devoir: celui de
participer aux Assemblées Générales physiquement ou en votant par procuration,
pouvant de ce fait exercer notre pouvoir d'actionnaire chaque année et
notamment grâce aux rapports annuels, au rapport social (en avez vous lu un
d'une société dans lesquels vous êtes investi ?), au rapport de développement
durable, aux informations sur Internet, à la presse... bref à de multiples
informations disponibles aujourd’hui sur les questions soulevées par l'ensemble
des parties prenantes (salariés, ONG, clients, fournisseurs…).
En tant qu’actionnaire minoritaire n’avons-nous pas un devoir de
vigilance ? Vigilance en étant à
l’écoute de toutes les parties prenantes pour essayer d’identifier les
questions importantes qui doivent être remontées vers les directions générales
d’entreprises qui souvent ne sont pas conscients des enjeux ESG sous jacents.
Vigilance en participant aux Assemblées Générales ou en votant par procuration
pour participer à la vie de l’entreprise. Vigilance en investissant dans des
fonds dont les gérants expriment clairement leur politique de vote voire leur
engagement pour accompagner les entreprises dans leur développement. Vigilance
en s’attachant à être un actionnaire minoritaire conscient de sa responsabilité
d’actionnaire et acceptant de remettre en cause le critère du rendement
financier pour tenir compte de critères extra financiers qui permettront à
l’entreprise dont on est actionnaire de mettre en œuvre une stratégie de
développement soutenable et durable à long terme.
Cette vigilance pose nécessairement la question de l’objet de mon
investissement financier dans une entreprise cotée : si je n’ai qu’une
stratégie financière à la recherche d’un rendement financier, ne vais je pas
privilégier en 2012 les produits financiers (ETF, fonds à formule…) voire les
fonds d’arbitrage (hedge funds) qui ne recherchent que la plus value à court
terme ? Si par contre j’ai une stratégie
d’investissement à moyen et long terme privilégiant l’ensemble des aspects
stratégiques, financiers et ESG d’une entreprise à laquelle je me sens associé
en tant qu’actionnaire, est ce que je vais faire attention à exercer mon rôle
d’actionnaire et participer à la vie sociale de l’entreprise ?
Redonner à l’investissement en actions son rôle fondamental pour que les
dirigeants de nos entreprises cotées aient les moyens de bâtir des stratégies de
développement soutenable et durable à long terme, Accompagner les entreprises en
tant actionnaire minoritaire actif et quitter notre habit de trader financier à
court terme dont nous voyons aujourd’hui les limites. Est-ce un rêve pour
2012 ?
Olivier
de Guerre
PhiTrust
Active Investors