Les annonces successives de départ de dirigeants de grandes
sociétés cotées françaises à l’étranger ne peuvent que nous interpeller, car
elles reflètent à la fois l’internationalisation de ces grandes sociétés (plus
de 70% voire 80% de leur activité et de leurs salariés à l’étranger) et le coût
fiscal des rémunérations très (trop) élevé aujourd’hui par rapport à d’autres
pays que ce soit pour les sociétés ou leurs dirigeants. Le risque est grand de
voir les centres de décisions de ces sociétés se délocaliser, mais aussi les Conseillers
juridiques, les Conseillers financiers, les banques… L’impact pour l’innovation
et la capacité de développement d’un pays peuvent en être très fortement
affectés si ce mouvement se généralise et il y a un vrai risque que cela
s’amplifie dans les années à venir…
Nous avions essayé de pousser à cette réflexion l’année dernière
quand Schneider Electric a décidé de revenir à une gouvernance unique avec un
PDG basé à Hong Kong, pour accompagner la croissance en Asie, mais sans réponse
positive des investisseurs qui ont soutenu le retour à une gouvernance unique
(et ce alors que le précédent dirigeant se félicitait de la structure à Conseil
de Surveillance et Directoire…). Les annonces de départ pour des raisons
stratégiques se sont succédées depuis avec Francois-Henri Pinault de Kering,
Bruno Lafont chez Lafarge ou Chris Vierbacher de Sanofi pour ne citer qu’eux.
Sans parler de la fusion ratée Omnicom/Publicis qui aurait vu le siège social
transféré aux Pays-Bas.
Mais il est évident que l’impact pour la société n’est pas le même
si le PDG s’établit à l’étranger ou si ce n’est que le DG ou le Président du Directoire.
Le Président du Conseil de Surveillance de Sanofi, Serge Weinberg, est à Paris
et n’entend pas s’expatrier a priori. La gouvernance du groupe et son Conseil
d'Administration restent a priori en France, ce qui permet à la fois de
privilégier l’ancrage national de Sanofi et la nécessité pour un dirigeant
opérationnel de se rapprocher des équipes sur lesquelles il base le
développement de sa stratégie.
Cette situation est très différente de celle de Schneider Electric
avec un PDG à Hong Kong et des membres du Conseil d’Administration qui seront
de plus en plus à majorité non français pour refléter l’internationalisation de
ces groupes cotés, avec un risque plus grand de voir un jour le Conseil d’Administration
se réunir hors de France ( pour visiter les filiales…) ce qui amènera
logiquement à délocaliser sa capacité de décision en attendant peut être une
fusion ou un rachat qui déplacera définitivement le centre de décision…
En Allemagne, les grands groupes sont structurés en Conseil de
Surveillance/Directoire avec une majorité d’administrateurs allemands. En France,
ils sont majoritairement structurés en Conseil d’Administration avec un PDG et
pour certains une majorité d’administrateurs non français. Il n’y a peut être
pas de lien mais la majorité des administrateurs de Lafarge ne sont pas
français… ce qui explique probablement leur soutien à une stratégie de fusion
« entre égaux » qui déplace le centre de décision et la gouvernance
en Suisse. La séparation des pouvoirs est à notre sens une réponse à cet
enjeu de gouvernance pour que nous gardions en France les centres de décision
de nos grandes entreprises. Il est urgent d’en prendre conscience.
Olivier de Guerre
Président de PhiTrust Active Investors