A l'occasion de débats
parlementaires surgissent deux propositions du gouvernement visant a protéger
les entreprises françaises: un droit préférentiel d'achat pour les salariés en
cas de cession de l'entreprise et la généralisation des droits de voute
double. Même si l'intention est louable, ces deux mesures montrent
combien, en France, l'on privilégie des mesures apparemment simples pour rater
l'objectif recherché.
Nous savons tous que la
préférence pour les salariés en cas de rachat est utopique car elle sera in
fine peu utilisée, compte tenu du manque de capitaux long terme en France (nos
hommes politiques de droite et de gauche ayant systématiquement refusé en
France de proposer des mesures permettant une épargne longue investie en
actions). Pire... une telle mesure va complexifier un peu plus le droit des
entreprises et risque d'amener de nombreuses entreprises étrangères à privilégier
pour leurs investissements des pays d'Europe n'ayant pas de telles
contraintes...
De la même façon la
généralisation du droit de vote double va permettre à ceux qui ne veulent pas
payer le prix d'une société de la contrôler avec un faible pourcentage comme
cela est le cas chez St Gobain, Accor, Carrefour, Vivendi... pour ne citer que
certaines affaires ayant fait la une de la presse ces dernières années. Depuis
de nombreuses années nous expliquons sans succès aux dirigeants des plus
grandes entreprises françaises qu'un petit investisseur minoritaire ne reste
pas actionnaire d'une entreprise pour les droits de vote double... sauf... si
cela lui permet de contrôler l'entreprise... Il vaut mieux des dividendes
majorés en cas de détention à long terme seul instrument capable de motiver une
détention plus longue de tous les actionnaires.
Pour une fois où
politique et dirigeants d'entreprise se trouvent une raison commune de
promouvoir ensemble une réforme visant à protéger le capital de nos
entreprises, ils privilégient des mesures apparemment simples mais sans réelle
portée. Et ce alors que deux mesures évidentes pourraient être mises en oeuvre
pour que de nombreux français redeviennent actionnaires de nos entreprises:
Il est absurde que la
détention d'actions en direct soit assujettie à l'ISF et à l'impot sur les
revenus, sur la plus value et à la CSG, alors que la détention d'oeuvres d'art
ou de vieilles voitures en est totalement exonérée ! Quel choix feriez
vous si vous aviez des liquidités à investir ?
Il est absurde que les
fonctionnaires puissent déduire de leur revenu imposable les cotisations PREFON
( fonds de pension réservé aux fonctionnaires et apparentés) alors que les
salariés du privé n'ont pas les mêmes possibilités de déduction, le système de
retraite par capitalisation leur étant interdit...
Exonérer d'IR, d'ISF et
de CSG, toute détention d'actions françaises en direct pour tout investisseur
ou salarié qui les détiendrait plus de 8 ou 10 ans permettrait d'orienter une
masse très importante de capitaux privés vers les entreprises et de recréer
progressivement un actionnariat de masse qui nous manque cruellement
aujourd'hui.
Permettre aux salariés
des entreprises de cotiser à des retraites par capitalisation et de déduire les
mêmes montants de leur IR que les fonctionnaires si ces montants sont investis
en actions inciterait de nombreux salariés à accroitre leur participation dans
leurs entreprises et créer ainsi un véritable actionnariat salarié qui s'est
fort peu développé, faute d'une volonté politique de privilégier ce type
d'actionnariat.
Ces deux mesures auraient
sur le long terme une portée bien plus importante que les
"mesurettes" aujourd'hui discutées au Parlement et seraient un vrai
signal politique d'une volonté de reconstituer un socle d'actionnaires privés
en France, un des plus surs moyens de protéger nos entreprises en renforcant
leurs fonds propres pour qu'elles investissent en France et recréent, de ce
fait, une dynamique positive de créations d'emplois.
Mais cela implique aussi
d'accepter que l'Etat, les Institutions et les syndicats ne peuvent, à eux
seuls, être un bouclier pour protéger nos entreprises et que la diabolisation
des actionnaires associée à des choix fiscaux discriminants sont autrement plus
efficaces pour fragiliser nos entreprises qui au contraire ne demanderaient
qu'à pouvoir se développer sereinement dans un environnement législatif et
fiscal stable. Messieurs les politiques, ne nous trompons pas de combat !
Olivier de Guerre
Président de PhiTrust Active Investors