Alors que la crainte d’un défaut d’un état européen associé à des anticipations de fort ralentissement aux USA et en Europe fait plonger les bourses et crée une défiance de nombreux acteurs, il est stupéfiant de constater le décalage entre l’économie réelle et le monde financier. S’il est vrai que les financiers anticipent (et même parfois anticipent l’anticipation possible…), la brutalité des mouvements et l’accroissement de la volatilité sont amplifiées par une régulation devenue inadaptée aujourd’hui.
Trois mesures nous paraissent aujourd’hui nécessaires pour « ramener à
la raison » autant que faire ce peut les acteurs de la finance qui ne
paraissent plus contrôler le bateau qui dérive sans capitaine :
1. Une modification de la règle de valorisation des actifs financiers. La
mise en œuvre du « mark to market » pour l’ensemble des acteurs
financiers (qu’ils soient investisseurs de long terme ou spéculateurs)
les amène mécaniquement à diminuer leur exposition au risque même
s’ils étaient prêts à garder une position sur le long terme. Il est
urgent que les régulateurs proposent des règles différentes pour les
investisseurs en proposant de ne pas évaluer en « mark to market » les
produits que les investisseurs/banques/assureurs garderaient 15/20 ans,
ce qui leur permettrait de ne pas provisionner à 50/80% ces créances
aujourd’hui considérées comme douteuses. Une telle mesure a été
appliquée dans les années 1990 pour permettre aux banques européennes de
porter les pertes sur le financement immobilier. Elle pourrait être
rapidement mise en place pour la Grèce, allégeant de facto le poids du
non remboursement et donnant à la Grèce du temps pour rembourser sa
dette.
2. L’interdiction du prêt/emprunt de titres par les dépositaires sans que le propriétaire des titres soit au courant.Ce
mécanisme censé favoriser la liquidité joue aujourd’hui contre tous les
acteurs non spéculatifs du marché. Il favorise la création de produits
toujours plus complexes et le développement de la spéculation car la
plupart des banques dépositaires prêtent les titres sans même avertir
l’investisseur… La multiplication des produits financiers et
l’accélération de la volatilité peut être fortement diminuée si
l’activité de prêt/emprunts de titres est fortement réduite. Cette
mesure sera fortement contestée par les banques/acteurs de marché qui
vivent de la multiplication des produits complexes, mais elle est
aujourd’hui incontournable si l’on veut revenir à une finance
responsable.
3. Le rachat par la BCE des places de marché. La
privatisation et la multiplication des places de marché au prétexte de
favoriser la concurrence fausse aujourd’hui le jeu car de multiples
opérations ont lieu hors marché sans transparence. Une nationalisation
des places européennes et l’obligation que les transactions aient lieu
sur ces marchés permettrait à la BCE de réguler le marché et de le
contrôler notamment quand les transactions deviennent anormales (dans le
« fast trading » par exemple).
Mais ces mesures nécessaires amèneront probablement les régulateurs à
séparer les différentes activités financières afin de s’assurer que les
banques de dépôt ne soient pas mises en risque par de la spéculation,
que les sociétés de gestion aient la capacité de refuser des produits de
la banque d’investissement et que les banques d’investissement aient
les fonds propres nécessaires pour assurer leur pérennité en cas
d’accident dans leur stratégies de trading.
Face à la crise actuelle, il est urgent que le système financier
revienne à sa fonction première : servir les besoins de l’économie
réelle, fonction bien oubliée par de grands acteurs qui ont plus
aujourd’hui comme préoccupation principale celle de faire survivre le
modèle qui leur a permis de se développer depuis 30 ans.
Olivier de Guerre
PhiTrust Active Investors
Investisseur et Actionnaire