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Depuis plus de dix ans, nous croyons que l’éthique du management et la gouvernance ont un rôle fondamental au sein des entreprises dans lesquelles nous investissons pour le compte de nos clients.
Face aux défis immenses de la crise que nous vivons aujourd’hui, nous sommes de plus en plus convaincus que nos entreprises cotées en Europe ont besoin d’actionnaires minoritaires actifs qui les aident à développer des stratégies innovantes pour répondre aux enjeux financiers, commerciaux et sociaux de notre monde actuel, et nous essayons d’y contribuer par notre stratégie d’investissement.

29 mai 2015

Lafarge Holcim, que dirons-nous aux générations futures ?

Les sociétés Lafarge et Holcim ont annoncé que cette dernière lançait son OPE ou Offre Publique d'Echange sur les actions de la société Lafarge et que les deux sociétés espéraient que les actionnaires de Lafarge apporteraient leurs titres à l'OPE. Cette annonce clôt une année qui ressemble à s'y méprendre à l'histoire de la fable de La Fontaine avec la grenouille qui se croit plus forte que... le bœuf ! D'une fusion entre égaux où Bruno Lafont devenait le dirigeant du nouvel ensemble, on est passé, après que la société Holcim ait nommé un nouveau Président, à une absorption par Holcim à des conditions qui n'auraient pas été acceptées par une grande partie des actionnaires un an plus tôt !

Car dans l'enthousiasme, une partie des actifs a été cédé et il est étonnant que bien peu d'analystes se soient étonnés du peu de synergie prévisible dans une industrie où il est difficile d'optimiser les usines par des rapprochements impossibles sur un plan purement technique. L'argument de la complémentarité était semble-t-il suffisant pour que l'ensemble des investisseurs s'y rallie, sans même se demander si un rapprochement avec Cemex plus présent en Amérique Latine qu'Holcim ne serait pas plus "astucieux"...

Albert Frère, un des deux actionnaires de référence, aurait lui-même agi pour que cette fusion se fasse, probablement pour pouvoir progressivement se désengager d'un investissement important, car il est difficile de céder sa participation dans Lafarge sans risque. Une fusion a l'avantage d'une dilution, ce qui est probablement aussi le raisonnement du principal actionnaire d'Holcim... et elle a été soutenue par la famille égyptienne Sawiri, autre actionnaire de référence, peut-être parce qu'elle espère devenir de fait, le principal actionnaire de Lafarge Holcim.

Que la nouvelle gouvernance soit majoritairement celle des actionnaires d'Holcim, que le poste de vice-président d'Holcim ne soit pas proposé à Bruno Lafont avec les pouvoirs de convoquer le Conseil ou de représenter le Président en cas d'absence du Président, montre bien le déséquilibre de cette "fusion entre égaux".

Que parallèlement le choix du siège social en Suisse oblige l'ensemble des petits actionnaires français à céder leurs titres car ils ne peuvent détenir de titres qui ne soient pas de l'Union Européenne, ne semble pas avoir pesé bien lourd dans les décisions du Conseil d'administration, ce qui est à notre avis une question de fond quant à la représentativité des Conseils d'administration dans les grandes sociétés cotées.

La question n'est pas celle de l'OPE mais bien celle d'une OPA qui ne dit pas son nom, sans payer de prime pour la prise de contrôle par l'entreprise contrôlant désormais Lafarge. Et bien peu d'investisseurs y compris français s'y sont opposés alors même que la société Lafarge est une société parfaitement viable et rentable avec des perspectives de développement même si certains marchés notamment au Moyen-Orient sont effectivement complexes dans notre monde actuel.

Étrange paradoxe où tout un chacun se lamente de la perte d'influence des actionnaires français et où personne ne peut réagir à telle opération car l'obsession de la rentabilité à court terme ne permet plus de se donner du temps pour construire et développer une stratégie. Il faut dire que la croissance externe et l'endettement important de la société Lafarge avaient amené les actionnaires à accepter des opérations sans en avoir les capitaux nécessaires, ce qui a fragilisé cette magnifique entreprise, deux actionnaires ayant pris le contrôle sans le dire... grâce aux droits de vote double !

Ce rachat est certainement la conclusion d'une stratégie de croissance non maîtrisée mise en œuvre depuis plusieurs années avec le soutien actif d'investisseurs ayant une vision avant tout financière. Le manque cruel d'investisseurs français au capital de nos plus belles sociétés et la gouvernance qu'elle implique vient directement de décisions fiscales et comptables portées par les gouvernements successifs depuis plusieurs années ainsi que de la concentration des actifs aux mains de sociétés de gestion multinationales pour qui la France et ses sociétés ne sont plus qu'une sous-partie d'une allocation européenne, mais plus un actif en soi.
Lyon, Lille et Bordeaux étaient en leur temps des bourses régionales actives, Paris ne sera bientôt plus qu'une petite bourse européenne si nous ne réagissons pas collectivement pour inciter les investisseurs français à investir dans les sociétés françaises de qualité.

Les choix fiscaux des prochains gouvernements seront à cet égard un signe clair sur la priorité donnée aux entreprises françaises, mais pas seulement. Les choix des conseils d'administration et les stratégies mises en œuvre ne pourront qu'amener à une défiance des investisseurs et des salariés si ces choix impliquent de nouvelles acquisitions entraînant une disparition des sièges sociaux en France. Car autour de ces centres de décision, se greffe un environnement nécessaire pour agir (sociétés de conseil stratégique, juridique, banques...) qui sera obligé de se délocaliser pour suivre leurs mandants. De là à voir s'accentuer notre perte d'influence, il n'y a qu'un pas et les administrateurs des sociétés concernées ne pourront s'abriter derrière le seul argument stratégique ou financier pour justifier ces décisions.

Nous sommes comptables de nos décisions devant les générations futures, et il serait temps de s'en rappeler !

Olivier de Guerre
PhiTrust Active Investors

Lafarge Holcim, what will we tell future generations?


Lafarge and Holcim announced that the latter was launching its public exchange offer on the shares of Lafarge and that both companies hoped that the Lafarge shareholders would accept the bid. This announcement ended a year which strangely resembles Aesop's fable in which the frog considers itself stronger than the ox! After Holcim appointed a new chairman, the planned merger of equals in which Bruno Lafont would become manager of the new entity turned into a takeover by Holcim on terms that would not have been accepted by a large proportion of the shareholders a year earlier!

Because in the enthusiasm, part of the assets had been sold, and it is astonishing that very few analysts were surprised by the few synergies foreseeable in an industry in which it is hard to optimise plants by alliances which are impossible from a purely technical viewpoint. The argument of complementarity was apparently sufficient to obtain the backing of all the investors, without even considering whether an alliance with Cemex, with a stronger presence in Latin America than Holcim, would not be "smarter".

Albert Frère, one of the two main shareholders, apparently himself promoted this merger, probably to be able to gradually pull out of a major investment, because it is hard for him to sell his stake in Lafarge without a risk. A merger has the advantage of a dilution, and this is probably also the thinking of Holcim's main shareholder, and it was supported by the Egyptian Sawiri family, the other main shareholder, possibly because it hopes to become de facto the main shareholder of Lafarge Holcim.

The fact that the new governance is mostly that of Holcim shareholders, that the position of Holcim vice-chairman is not proposed to Bruno Lafont with powers to convene the Board or represent the chairman whenever the chairman is absent, clearly shows the imbalance of this "merger of equals".

The fact that, at the same time, the choice of Switzerland for the head office obliges all the small French shareholders to sell their shares, because they cannot own shares which are not in the European Union, apparently did not count for much in the Board of Directors' decisions, which in our opinion raises a fundamental question regarding the representativeness of the Boards of Directors of large listed companies.

The question does not concern the public exchange offer but clearly a takeover bid in disguise, without paying a premium for the acquisition of control by the firm now controlling Lafarge. And very few investors, including French investors, opposed this even though Lafarge is a perfectly viable and profitable company with growth prospects even though some markets, especially in the Middle East, are admittedly complex in our modern world.

It is a strange paradox that everyone complains about the loss of influence of French shareholders and no one can react to such a deal, because the obsession with short-term profitability means it is no longer possible to take the time to build and develop a strategy. It must be said that Lafarge's M&A deals and heavy debt burden had led shareholders to accept deals without having the necessary capital, which undermined this magnificent firm, as two shareholders took control surreptitiously, thanks to double voting rights!

This takeover is undoubtedly the result of an uncontrolled growth strategy implemented in the past few years with the active support of investors having above all a financial perspective. The cruel lack of French investors in the equity of our finest companies and the governance that it implies is the direct result of the fiscal and accounting decisions made by successive governments for some years now, and the concentration of assets in the hands of multinational investment management companies for which France and its companies are now merely a sub-segment of a European allocation, but no longer an asset in its own right.
Lyon, Lille and Bordeaux were active regional stock exchanges in their time, and Paris will soon be just a small European stock exchange if we do not all react collectively to encourage French investors to invest in blue-chip French companies.

The fiscal decisions of the next governments will be a clear signal regarding the priority given to French companies, but not merely that. The decisions of boards of directors and the strategies implemented can only arouse the mistrust of investors and employees if these decisions entail further acquisitions resulting in the disappearance of head offices in France. Because as well as decision-making centres there are those companies needed for taking action (strategic consulting firms, legal firms, banks, etc.), and these players will be obliged to move offshore to follow their main clients. France's loss of influence could thus easily gather momentum, and the directors of the companies in question will not be able to shelter behind strategic or financial arguments alone to justify these decisions.

We are accountable to future generations for our decisions, and it could be time that we remember this!

Olivier de Guerre
PhiTrust Active Investors